Solitude (vers 1772-1802) l’esclave maudite

Parmi les femmes esclaves, le destin de Solitude, (vers 1772-1802) est sans doute l’un des plus tragiques. En effet cette esclave métisse originaire de la Guadeloupe est pendue à moins de trente ans, au lendemain de son accouchement, pour rébellion.

Par Claire Boutin

Statue de Solitude, la mûlatresse martyre dans le jardin qui lui est consacré dans le 17e arrondissement de Paris. Photo Joséphine Brueder/ Ville de Paris
Statue de Solitude, la mûlatresse martyre dans le jardin qui lui est consacré dans le 17e arrondissement de Paris. Photo Joséphine Brueder/ Ville de Paris

Le moins que l’on puisse dire c’est que les fées ne sont pas penchées sur le berceau de Rosalie. En effet, sa mère Bayangumay, esclave africaine est violée par un marin sur le bateau qui la déporte aux Antilles, où le bébé naîtra. Son surnom de mulâtresse lui collera ensuite à la peau et lui rappellera sans cesse ses origines métisses. Arrivée en Guadeloupe elle est rapidement séparée de sa mère. Un colon, remarquant sa peau et ses yeux clairs en fait une domestique de maison. C’est la « classe supérieure » des esclaves avec des conditions de vie moins dures que dans les champs de coton.

Huit petites années de liberté

Le 4 février 1794, l’esclavage est aboli par la Convention à travers le décret de Pluviôse. Solitude rejoint alors une communauté marrone d’esclaves libres située à Goyave et dirigée par le Moudongue Sanga.

Mais l’embellie est de courte durée. Ainsi, le 10 mai 1802, le métisse Louis Delgrès, 36 ans, soupçonne avec raison le Premier Consul Bonaparte, qu’il admire par ailleurs, de vouloir rétablir l’esclavage, huit ans après son abolition. Aussi, le 10 mail 1802 il lance un appel à la résistance. Il publie dans la foulée une proclamation intitulée « A l’Univers entier, le dernier cri de l’innocence et désespoir. »

Ses peurs sont fondées puisque 10 jours plus tard, le 20 mai 1802, Napoléon rétablit effectivement l’esclavage dans les colonies françaises avec sa loi sur la traite négrière.

Pendue à un peu moins de 30 ans

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Procès-spectacle d’Orléans : « Les femmes qui écrivent sont-elles dangereuses ?  » 2/7

La question peut prêter à sourire mais elle est en fait très sérieuse. Surtout quand on sait qu’aujourd’hui encore dans certains pays les femmes sont emprisonnées ou tuées pour avoir osé défié le pouvoir en place avec leur plume. D’où l’intérêt de cette mise en scène sous forme de procès-spectacle le 9 octobre 2021 en clôture des Voix d’Orléans au tribunal de grande instance de la cité johannique. Compte-rendu d’audience avec les dépositions des deux accusées.

par Claire Boutin

Viktor Lazlo et Suzanne Dracius , les « accusées » du procès-spectacle du 9 octobre à Orléans en clôture des Voix d’Orléans. Photo Sophie Deschamps

Dans ce deuxième volet du procès-spectacle des Voix d’Orléans dont la question est : « Les femmes qui écrivent sont-elles dangereuses, ?  » nous allons entendre à présent les déclarations des deux accusées qui ont choisi de ne pas avoir d’avocate. La parole est donc à l’écrivaine Viktor Lazlo :

« Madame la Présidente, je reconnais partiellement les faits qui me sont reprochés. En effet, on m’accuse d’utiliser ma plume pour réécrire l’histoire à l’aune de mes croyances et de mes certitudes. D’alimenter la misandrie ambiante et d’inciter à la haine. On m’accuse de représenter une menace pour la société car je proclame haut et fort que la femme que je suis est issue d’une longue lignée de femmes violées dans le consensus des pratiques esclavagistes et colonialistes, bref on m’accuse d’utiliser ma plume pour dire ce que personne ne veut entendre.

Suis-je un danger ? Oui , certainement. Pour toute personne qui se sent visée par mes propos ou menacée par ma parole, les certitudes ancrées dans le discours autorisé risqueraient de voler en éclats.

Suis-je un danger ? Oui, certainement puisque ça (elle montre son stylo, NDLA) c’est une arme. Mais est-ce le seul fait des femmes ? Pourquoi suis-je devant vous alors que je ne fais rien d’autre que rappeler la vérité.

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